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La vision d'un europhile
2 décembre 2011

Discours de Toulon de Nicolas Sarkozy sur le désendettement et l'avenir de l'Europe

2011-12-01T182555Z_822663355_PM1E7C11HV001_RTRMADP_3_EUROZONE-FRANCE_0-1 Je m’étais juré en créant ce blog d’éviter de commenter la politique nationale de la France ou de tout autre Etat-membre. Cependant au vu du thème du discours de Nicolas Sarkozy sur le désendettement et l’avenir de l’Europe, il m’était impossible de ne pas réagir.

Ce discours au ton très grave et très solennel avait très bien commencé en expliquant de manière pédagogique que la France devait se désendetter afin de pouvoir reprendre “son destin en main”. Malheureusement, comme à son habitude, le Président de la République déçoit et fâche tant sur le fond que sur la forme.

On peut, tout d’abord, critiquer la forme de l’allocution: un discours très politique dans une salle privée remplie de partisans UMP payé par l’ensemble des contribuables. Pourquoi Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas prononcé ce discours au sein du Parlement comme le prévoit l’article 18 de la Constitution? Faire un discours dans une salle comble déjà conquise est inutile mais faire un discours devant les représentants de la Nation est un acte politique courageux. Alors qu’Angela Merkel a prononcé son discours devant le Bundestag, le président de la République française retourne à Toulon pour refaire un discours qui ne sera, très probablement, pas suivi d’effets concrets et rapides.

Il est indéniable de voir que le Président a changé pendant ce quinquenat mais une chose très perturbante demeure: il n’a pas pris la mesure de la responsabilité pour laquelle il a été élu. Faire un discours sur l’Europe est louable pour un chef d’Etat européen mais faire un discours en tant que Président pour préparer sa campagne électorale est détestable. Entre plusieurs annonces et explications, Nicolas Sarkozy, avec l’aide de sa plume Henri Guaino, a distillé ses petits piques concernant les propositions de ses principaux concurrents politiques et a souhaité défendre son bilan. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble de ces propos concernant cette partie mais seulement sur deux.

Pourquoi est-il impossible de sortir du nucléaire? Annoncer qu’il serait irréalisable de sortir du nucléaire est un mensonge. Ce n’est pas parce que la France a massivement investi dans l’énergie nucléaire qu’elle ne peut pas réduire sa part de production d’énergie via le nucléaire. Certaines centrales sont vieillissantes et sont dangereuses pour l’ensemble des français et elles doivent être fermées et compensées par la création de parcs éoliens et solaires.

Ensuite, Nicolas Sarkozy a eu la bonté de rappeller qu'aucun budget français n'avait été voté "à l'équilibre depuis 1974". Faut-il rappeller qu’il a été Ministre du budget entre 1993 et 1995 et Ministre de l’Economie et des finances en 2004 mais également Président-Ministre depuis son élection en 2007? Il est tout autant responsable de l’augmentation de la dette que les socialistes ou les centristes. Pour le rappel, un seul candidat avait fait campagne en 2007 sur la question de la dette et de l’avenir de la France, François Bayrou. Toutes les personnes qui l’ont quitté et qui avaient fait campagne avec lui devaient apporter leurs idées dans le cadre de l’ouverture. Où sont passées ces idées? Pourquoi a-t-il fallu une telle crise pour que les hommes politiques agissent?

J’en termine donc là concernant la partie du discours sur le désendettement.

La deuxième partie du discours sur l’Union Européenne aux relents gaullistes a été pour moi très peu convaincante. Pourquoi tous les hommes politiques de droite français se déguisent en De Gaulle lorsqu’ils parlent de l’Europe alors qu’il a été l’un des pires freins à la construction européenne? La situation est encore plus comique lorsque Nicolas Sakorzy parle de souveraineté et omet de dire qu’il a été celui qui a réintégré la France dans le commandement intégré de l’OTAN.

Pour être tout à fait honnête, une partie du discours m’a plu: celle concernant le rôle de la Banque Centrale et les euro-obligations. Oui il faut créer des euro-obligations en Europe pour mutualiser la dette des pays de l’Union Européenne mais il faut aussi appliquer des sanctions plus strictes. Nicolas Sarkozy s’est plaint que le Traité de Maastricht n’avait pas appliqué de sanctions sévères à l’encontre des Etats membres peu respectueux des critères de convergence mais faut-il rappeller que la France et l’Allemagne ont demandé à cette époque qu’il n’y ait pas de sanctions à leur encontre? Arrêtons l’hypocrisie! Si l’on doit réellement “dire la vérité aux français” alors on prend ses responsabilités et on assume d’avoir faire échouer toutes tentatives de convergence budgétaire depuis 1992.

Ensuite, ce qui m’a le plus frappé dans ce discours c’est l’absence de mention des autres Etats-membres. Le Président de la République a souhaité faire un discours sur l’Union Européenne mais n’a parlé que du couple franco-allemand. La seule mention des autres Etats-membres se trouvent dans l’une des phrases les plus condescendantes du discours: “Mais je vous demande de regarder autour de nous dans quelle situation se trouvent les pays européens qui n'ont pas pris à temps la mesure de la crise qui n'ont pas fait à temps les efforts nécessaires : Espagne, Italie, Portugal, Grèce, Irlande...". Le Président annonce alors la venue d’Angela Merkel lundi à Paris pour discuter d’un nouveau traité mais il a tout de même oublié de dire que David Cameron, Premier Ministre de la deuxième puissance économique de l’Union Européenne serait reçu aujourd’hui à l’Elysée! Quelle faute politique, quel culot! Oui les britanniques sont eurosceptiques, oui ils ne se trouvent pas dans la zone euro mais ils sont nos partenaires et nos amis et ils sont membres de l’Union Européenne depuis 1973.

Ce discours a également permis de souligner une perte de confiance des hommes politiques nationaux dans l’Union Européenne, dans ses institutions, dans sa capacité à réagir. Alors que l’Allemagne souhaite donner des pouvoirs de contrôle et de sanctions à la Commission Européenne, la France souhaite voir ces pouvoirs dans les mains du Conseil Européen, en somme dans les mains des chefs d’Etat et de gouvernement. Est-il vraiment imaginable de voir des pays qui ne respectent pas les critères de Maastricht se sanctionner mutuellement alors qu’aucun n’est vraiment plus vertueux que l’autre? La seule institution garante de pouvoir appliquer ses sanctions en toute indépendance est bien la Commission Européenne. Cela ne fait aucun doute et l’on peut très bien comparer cette question avec le domaine de la concurrence où la Commission joue parfaitement son rôle pour éviter l’établissement de cartels ou l’abus de position dominante (que Nicolas Sarkozy souhaiterait réviser également pour retourner à la politique des “champions nationaux”).

Cette perte de confiance dans le chef des hommes politiques nationaux représente pour moi l’une des raisons de la perte de confiance des citoyens à l’encontre de l’Union Européenne. Pourquoi soutiendraient-ils une Union Européenne qui est décriée par les personnes qu’ils ont élus au pouvoir? Cela ne concerne pas que la droite mais également la gauche. J’ai été particulièrement choqué d’entendre Pierre Moscovici, directeur de campagne de François Hollande, critiquer la proposition allemande de renforcer les pouvoirs de sanctions et de contrôle de l’Union Européenne en s’offusquant de voir la Cour de Justice de l’Union Européenne appliquer des règles de droit. Si ces règles de droit sont décidées à l’unanimité par l’ensemble des Etats-membres pourquoi ne devrait-on pas voir des juges, comme au niveau national, appliquer ces règles? Au surplus, la Cour de Justice est l’un des meilleurs garants, au niveau communautaire, du respect des droits de l’Homme, des libertés de circulation mais également des droits des citoyens européens.

Les véritables solutions pour sortir de la crise européenne et de la crise financière se trouvent dans l’allocation de nouvelles ressources, de nouvelles compétences à l’Union Européenne mais également dans la réduction du déficit démocratique et dans l’apparition d’un véritable visage européen.

Comme l’a rappellé le Président de la République, l’Union Européenne n’est pas synonyme d’une réduction de souveraineté mais de sa maximalisation. Donner plus de ressources et de compétences à l’Union Européenne est pour moi la seule solution pour trouver une réponse cohérente et rapide dans une crise qui demande des réponses claires et instantanées. Ces pouvoirs devraient pour ce faire rentrer dans la compétence de la Commission en passant par la procédure législative ordinaire. Pour le rappel, le budget de l’Union Européenne ne représente que 1,05% du PIB des 27 Etats-membres...

Il faut également renforcer le visage de l’Union Européenne en lui donnant une véritable base démocratique: modalités de scrutin communes aux 27 Etats-membre, référendums européens, augmentation des pouvoirs de contrôle du Parlement européen mais aussi l’élection directe du Président du Conseil Européen et la nomination de la Commission Européenne par le Parlement Européen seulement. Cela se traduit dans les faits par une perte de contrôle des Etats sur l’Union Européenne mais elle est nécessaire si l’on souhaite voir la construction européenne progresser.

Il faut avoir confiance en l’Union Européen, en sa capacité de pouvoir réagir rapidement. Pour ce faire, il faut lui donner tous les leviers d’action possibles et en renforçeant sa base démocratique indispensable en démocratie lorsqu’ une entité politique possède autant de pouvoirs. Si les hommes politiques nationaux arrêtent d’y croire, je continuerai de tout mon coeur à poursuivre le rêve Européen, le rêve d’une Europe forte dans le monde qui promeut la démocratie mais également les droits de l’Homme et le développement durable. Pour finir, j’aimerais citer l’une de mes séries préférées (X-Files): “I want to believe”.

 

 

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