L'Union Eurasienne par Vladimir Poutine

Dans le quotidien russe Izvestia, Vladimir Poutine, premier ministre russe, et très certainement futur président de la Fédération de Russie, a proposé l'idée de créer une Union Eurasienne avec d'anciens pays du bloc soviétique.  Il s'agirait de bâtir un projet d'Espace économique commun, voué à donner le jour à l’Union eurasienne, « maillon de la ­Grande Europe, unie par les valeurs de liberté, de démocratie et les lois du marché ». Une union monétaire serait même envisagée. 

Cette Union eurasienne est conçue par le candidat à l'élection présidentielle russe comme « une puissante union supranationale, capable de se muer en un des pôles du monde moderne et de jouer le rôle de connecteur efficace entre l'Europe et L'Asie  ». Ce marché commun serait doté d'une population de 180 millions d'habitants qui commencerait en Union douanière avec la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan comme membres. Cette Union s'étendrait par la suite au Tajikistan, au Kyrgystan et à tout autre pays qui souhaiterait la rejoindre (on peut tout de même noter que l'Ouzbékistan et le Turkménistan n'ont pas été cités par Vladimir Poutine dans l'article). 

Au premier abord, on ne pourrait que se réjouir de voir la création d'une telle Union qui serait modelée sur l'Union Européenne et fondée sur la démocratie. Cependant, il serait impensable de croire qu'un homme au pouvoir depuis le début du millénaire modifierait en profondeur le système politique qu'il a lui même bâti. Il ne faudrait pas oublier que le même homme qui propose ce projet est responsable des massacres en Tchétchénie et en Géorgie. De fortes suspicions amènent également à croire qu'il serait l'instigateur du meurtre d' Anna Politkovskaïa (journaliste russe défendant les droits de l'Homme). En tant que Premier Ministre, il bloque actuellement les négociations au Conseil de Sécurité de l'Onu pour sanctionner les massacres commis en Syrie. 

Ce projet obtiendra aisément un vaste soutien de la part du peuple russe mais également des membres de sa communauté économique soucieux de retrouver l'éclat d'une gloire (dé)passée. Cette idée sera très certainement l'un des sujets phares de la campagne présidentielle russe en 2012. 

On peut tout de même se permettre de soulever quelques points positifs dans ce projet. Tout d'abord cette idée d'Union prouve que le modèle politique de l'Union Européenne commence à s'exporter puisqu'il est lui même basé sur la liberté, la démocratie et le marché commun. Deuxièmement cela permettrait à l'Union Européenne d'avoir des frontières claires à l'Est. L'Ukraine (peu démocratique actuellement), candidate pour adhérer à l'Union Européenne, risque fort de tourner les talons en cas de débuts de négociations difficiles avec la Comission Européenne. 

Ensuite, ce projet politique permettrait de faire tampon entre l'Union Européenne et la Chine en devenant une nouvelle puissance régionale sur le continent eurasien. Les autres pays de cette Union auraient alors une meilleure visibilité sur la scène internationale. 

Malgré ces aspects "positifs", on peut penser que ce projet politique échouera. Je me permets ici la comparaison avec l'Association européenne de libre échange ou AELE (qui existe toujours mais qui ne comprend plus que la Suisse, le Liechtenstein, l'Islande et la Norvège autant dire des nains économiques) fondé par le Royaume-Uni. Ce dernier souhaitait dans en 1960 torpiller le projet de la Communauté Economique Européenne en créant un autre projet de marché commun basé sur une zone de libre échange. Le projet échoua du fait que le Royaume-Uni écrasait ses partenaires commerciaux et réalisait la majorité de ses échanges sur le continent européen avec la C.E.E. Il déposa par la suite une candidature pour rejoindre cette dernière en août 1961. La Russie, tout comme le Royaume-Uni, écrasera ses partenaires commerciaux et si des institutions supranationales voyaient le jour dans cette Union Eurasienne, il est fort à parier que la Russie serait plus que majoritaire. En d'autres termes, l'Union Eurasienne ne servirait et ne serait contrôlée que par la Russie et son président, Vladimir Poutine.